DANIEL MARCHESSEAU

1991

 

Roseline Granet serait elle metteur en scène ? Danseurs, orants, plaideurs s’avancent vers une foule imaginaire, à l’instant d’une pirouette, d’un cri, d’une harangue.

Baroque, expressive dans la lignée d’un Daumier, d’un Giacometti, Granet travaille autant sur la grimace d’un faciès, que sur le drapé déchiré d’un vêtement. Mais c’est bien la relation conflictuelle, spatiale entre les personnages qui appelle le regard et nourrit sa plastique.

Suspendus dans leur respiration, saisis dans une course vers l’immédiat inconnu, ils vivent par le dialogue une étrange relation oratoire à plusieurs directions.

Ces figurants s’élancent aux sons d’un carillon polytonal imaginaire, sur un amphithéâtre de fantaisie, déclamant des strophes de déraison.

Frondeurs en haillons – voir la grossièreté de l’étoupe filandreuse et plâtrée qui les anime – ils affirment haut et fort leur précocité libertaire en un discours humaniste acidulé, aux accents polémiques proches du panégyrique et de la vocifération.

C’est un plaidoyer que Granet, hors de tout psychologisme. livre à notre écoute. Ses compositions altières et insolites – en scènes de théâtre – sollicitent d’une mémoire ensevelie un appel en justice, un cri d’amour et de liberté.

Ancrée en profondeur d’une manière elle-même scénique, cette vocation, maniériste au meilleur sens du terme, forme l’ambigu segment reliant le désir de rompre au plaisir de voir.

Saveurs mêlées naissant aux lueurs de l’aube de lendemains féconds.