MICHEL LE BRIS

1998

 

Une vibration singulière du silence, de la lumière, dit encore le tohu-bohu, l’élan esquissé, la jacasserie. Une seconde plus tôt, on en jurerait, à l’instant de pousser la porte, tout ce petit monde fantasque et turbulent vivait, courait, se disputait – et le voici saisi, figé dans un temps suspendu, le temps de notre passage, bras jetés en avant, corps en déséquilibre, juste avant la chute, bouches ouvertes sur un cri silencieux.

Ici, un couple s’étreint sous un parapluie, instant de miraculeux équilibre entre deux mouvements, entre deux chutes, quand les corps s’abandonnent l’un à l’autre, s’allègent – qu’est le parapluie sinon un socle à l’envers, qui le rattache au ciel, non au sol ? Là, un autre couple s’envole, le visage de la jeune femme renversé sur l’épaule de l’amant.

Plus loin, un Icare suspendu dans les airs , les mains projetées devant lui, paumes et doigts ouverts, un fuyard, le visage dissimulé sous son bras, Ariel, tout en légèreté dans la grâce extrême d’un corps en extension, et le silence si plein de ce quatuor en répétition, autour d’un violoncelle – cette foule de masques, une quarantaine au moins, criant, s’apostrophant, ricanant, pérorant, les acteurs de quelque théâtre, ou les tribuns d’une assemblée ?

Pour un peu nous marcherions sur la pointe des pieds, un doigt sur les lèvres, et que rien ne vienne troubler ce théâtre songeur, surpris en la clairière d’un bois dormant.

Dans une autre pièce.